La marque REDBULL n’est pas BULLDOG

Marques / Usage par un tiers sans juste motif d’un signe identique ou similaire à la marque renommée /

Notion de « juste motif » / Arrêt de la Cour (6 février)

Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 6 février dernier, l’article 5 §2 de la première directive 89/104/CEE rapprochant les législations des Etats membres sur les marques (Leidseplein Beheer et de Vries, aff. C-65/12). Le litige au principal opposait le requérant Redbull, titulaire de la marque « Red Bull Krating-Daeng » à la société De Vries, titulaire de la marque « The Bulldog ». La société requérante considérait subir un préjudice lié à la présence de l’élément verbal « Bull » dans la marque « The Bulldog », notamment en ce que cette dernière tirait indûment profit de sa réputation et ce malgré son existence antérieure. La juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si l’article 5 §2 de la directive doit être interprété en ce sens qu’est susceptible d’être qualifié de« juste motif », l’usage par un tiers d’un signe similaire à une marque renommée pour un produit identique à celui pour lequel cette marque a été enregistrée, dès lors qu’il est avéré que ce signe a été utilisé antérieurement au dépôt de ladite marque. La Cour relève en premier lieu que la notion de « juste motif », peut, en sus des intérêts objectifs du requérant, se rattacher aux intérêts subjectifs de l’opérateur tiers.

La Cour expose ensuite les conditions dans lesquelles l’usage d’un signe similaire à une marque renommée est susceptible de constituer un « juste motif », lorsque ce signe a été utilisé antérieurement au dépôt de la marque. Il y a lieu, tout d’abord, de déterminer l’implantation du signe et d’apprécier la réputation dont il jouit auprès du public concerné. Ensuite, il convient d’apprécier l’intention de l’utilisateur du signe à l’aide de plusieurs indices, tels que le degré de proximité entre les produits et les services pour lesquels le signe a été originairement utilisé et le produit pour lequel la marque renommée a été enregistrée ou la pertinence économique et commerciale de l’usage du signe pour le produit en cause. Partant, la Cour conclut que le titulaire d’une marque renommée peut se voir contraint, en vertu d’un « juste motif », de tolérer l’usage d’un signe similaire à sa marque, lorsqu’il est avéré que ce signe a été utilisé de bonne foi avant le dépôt de la marque. 

Décisions du 6 février 2014 « Montre Rolex achetée sur internet  » – Cour de justice de l’Union européenne

Contrefaçons / Vente sur Internet / Saisie douanière / Arrêt de la Cour (6 février)

Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Højesteret (Danemark), la Cour de justice de l’Union européenne a, notamment, interprété, le 6 février dernier, le règlement 1383/2003/CE concernant l’intervention des autorités douanières à l’égard de marchandises soupçonnées de porter atteinte à certains droits de propriété intellectuelle ainsi que les mesures à prendre à l’égard de marchandises portant atteinte à certains droits de propriété intellectuelle (Blomqvist, aff. C-98/13). En l’espèce, le requérant au principal, résidant au Danemark, s’est vu enjoindre par le tribunal de commerce danois d’admettre la suspension du dédouanement et la destruction sans indemnisation d’une montre achetée sur un site de vente en ligne chinois, décrite comme étant de marque Rolex, mais qui a été identifiée comme étant une contrefaçon lors du contrôle du paquet par les autorités douanières danoises. Le requérant a fait appel de cette décision et la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir s’il résulte du règlement que, pour que le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle sur une marchandise vendue à une personne résidant sur le territoire d’un Etat membre à partir d’un site Internet de vente en ligne situé dans un pays tiers bénéficie de la protection garantie à ce titulaire par ledit règlement au moment où cette marchandise entre sur le territoire de cet Etat membre, il est nécessaire quecette vente soit considérée, dans ledit Etat membre, comme une forme de distribution au public ou comme relevant d’un usage dans la vie des affaires, et si préalablement à la vente, ladite marchandise doit avoir fait l’objet d’une offre de vente ou d’une publicité s’adressant aux consommateurs du même Etat. La Cour rappelle que des marchandises provenant d’un Etat tiers et constituant une imitation d’un produit protégé dans l’Union par un droit de propriété intellectuelle peuvent être qualifiées de « marchandises de contrefaçon » ou de « marchandises pirates » lorsqu’il est prouvé qu’elles sont destinées à une mise en vente dans l’Union. Une telle preuve est, notamment, rapportée lorsqu’il s’avère que les marchandises ont fait l’objet d’une vente à un client dans l’Union, d’une offre à la vente ou d’une publicité adressée à des consommateurs dans l’Union. La marchandise en cause ayant fait l’objet d’une vente à un client dans l’Union, la seule circonstance que cette vente ait eu lieu à partir d’un site Internet de vente en ligne situé dans un pays tiers ne saurait avoir pour effet de priver le titulaire de ses droits de propriété intellectuelle sur cette marchandise. La Cour conclut que le titulaire de droits de propriété intellectuelle sur une marchandise vendue à une personne résidant sur le territoire d’un Etat membre peut donc bénéficier de la protection garantie par le règlement du seul fait de l’acquisition de la marchandise litigieuse, sans qu’il soit nécessaire que, préalablement à la vente, la marchandise en cause ait fait l’objet d’une offre de vente ou d’une publicité s’adressant aux consommateurs de ce même Etat. 

Imitation d’une marque

quels sont les critères utilisés par les juges ?

Selon l’Article L. 713-3 b) du Code de propriété intellectuelle : « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public :

–          L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement. »

Il est constant que l’imitation d’une marque s’apprécie par les ressemblances existantes entre les produits et non par leurs différences, sous la réserve que les différences ne l’emportent pas sur les ressemblances (Cour d’Appel Paris, 4ème ch 10 octobre 1997 PIBD 1998, 649, III 138)

L’article 5 1) a) de la directive du 21 décembre 1988 dispose que le titulaire d’une marque est habilité à interdire de faire usage d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque, il existe dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend un risque d’association entre le signe et la marque.

Selon la jurisprudence européenne, le risque de confusion est constitué par le risque que le public puisse croire que les produits proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement (CJCE arrêts SABEL/ PUMA 11 novembre 1997 aff C-251/95)

Selon ce même arrêt, lorsqu’il n’existe pas de risque de confusion direct, un risque d’association s’effectue lorsque le public fait un rapprochement entre le signe argué de contrefaçon et la marque, la perception du signe éveillant le souvenir de la marque.

En outre, le juge s’attache dans chaque cas à définir le public concerné, c’est-à- dire « un consommateur moyen du type de produit en cause » et par rapport auquel il faudra apprécier le risque de confusion.

Selon une jurisprudence constante, « le risque de confusion doit s’apprécier globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle ou conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celle-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs dominants. » (notamment CA Paris, ch 4 section A 14 mai 2003 juris data 2003-216185)


La reproduction à l’identique d’une marque

Quels sont les critères utilisés par les juges pour retenir la copie servile d’une marque ?

L’article 5 1) a) de la directive du 21 décembre 1988 dispose que le titulaire d’une marque est habilité à interdire de faire usage d’un signe identique à la marque pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée

Selon la jurisprudence européenne, les signes susceptibles d’une représentation graphique ne peuvent constituer une marque qu’à la condition qu’ils soient propres à distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux d’une autre entreprise.

En outre, le critère d’identité du signe litigieux et de la marque doit faire l’objet d’une interprétation restrictive de sorte que les deux éléments comparés doivent être les mêmes en tous points (CJCE 20 mars 2003, aff C 291/00).

Dans cet arrêt pris sur une question préjudicielle posée à la Cour, le gouvernement français précise ainsi que la « jurisprudence française a évolué en tant que les litiges relatifs à la reproduction partielle de marques ou intégrale avec adjonction d’éléments seraient exclusivement examinés sur le fondement de la contrefaçon par imitation et non de la contrefaçon stricto sensu ».

La Cour de justice a ainsi décidé, en interprétant l’article 5 de la directive du 21 décembre 1988, qu’un signe est identique à la marque :

  • lorsqu’il reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant la marque
  • ou lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu’elles peuvent passer inaperçues aux yeux du consommateur moyen.

La perception de l’identité entre le signe et la marque doit donc être appréciée (CJCE 22 juin 1999, C-342/97) :

  • « globalement dans le chef d’un consommateur moyen qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
  • Or, à l’égard d’un tel consommateur, le signe produit une impression d’ensemble.
  • En effet, ce consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des signes et des marques, mais doit se fier à l’image non parfaite qu’il a en a gardée en mémoire.
  • En outre, le niveau d’attention est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits en cause. »